Lugon sans permission: wokes de la scène genevoise, rideau!
Et de trois! Un nouveau spectacle a été annulé, au Théâtre du Loup cette fois. En cause: des comédiennes blanches qui auraient dû être noires, selon certains.
L’affaire est exquise. Elle surclasse en force symbolique tout ce que notre époque produit de plus puissant. La semaine dernière, une nouvelle annulation de spectacle est venue frapper la Genève culturelle. Au Théâtre du Loup, la pièce «Inconditionnelles» a passé à la trappe. Merci aux spectateurs d’avoir acheté leurs billets et aux autorités pour les subventions. Que les premiers aillent à la Revue et les secondes, au diable. De toute manière, par la grâce du contribuable, elles continueront de régaler.
Après l’annulation de la pièce de Krystian Lupa pour mauvais traitement des artistes et techniciens – on peut aussi dire traitement dégradant, c’est plus tendance –, après l’annulation de Cyrano de Bergerac par des Cyrana féministes qui se sont crêpé le chignon, voici qu’ «Inconditionnelles» succombe à son tour à l’auto-censure woke.
C’en est trop, c’est indigne, elles craquent. Incapables de jouer, prostrées en PLS, il faut appeler les urgences psychosociales
Une excellente enquête du Temps nous renseigne sur les dessous de cette sombre histoire. Un véritable conte philosophique qui devrait contribuer à l’édification morale collective. Deux spectateurs «racisés», comme on dit dans le jargon, se sont émus de la couleur de peau, blanche, des comédiennes, alors que la partition musicale aurait été écrite pour des artistes noires. Ce cri de souffrance a immédiatement conduit deux personnes de la distribution à l’effondrement intérieur. Imaginez: vous vous découvrez «raciste systémiste» à l’insu de votre plein gré, vous le pourfendeur des rapports de domination inconscients. C’en est trop, c’est indigne, elles craquent. Incapables de jouer, prostrées en PLS, il faut appeler les urgences psychosociales.
Aussitôt, l’élite culturelle fouille le texte, le style, les didascalies, elle interroge les Éditions qui ont traduit la pièce, à la recherche d’une éventuelle consigne de couleur. Rien. Mais c’est sans compter la vigilance de la direction du théâtre qui va découvrir un indice crucial aux fins de l’enquête: dans la version originale, une comédienne émet un «tchip», soit un son de succion typique des populations africaines ou antillaises, indiquant l’irritation. La voilà, la preuve du crime et la validation de l’annulation par les docteurs de la cause, au motif d’un violent bouleversement.
L’idéologie est ici poussée à une extrémité telle qu’elle permet à une comédienne de s’asseoir sur un contrat au nom de son idéal supérieur qu’elle n’aurait elle-même pas respecté
Évidemment, il existe une autre lecture du phénomène, admirablement résumée par le comédien Laurent Deshusses sur les réseaux sociaux. Cet artiste emprunte pour l’occasion la signature de Fouquier-Tinville, accusateur public pendant la Terreur, ayant souvent requis la guillotine: «Dorénavant, suite à la polémique du Théâtre du Loup: faisant loi, seul un garagiste pourra jouer un garagiste. Seul un homosexuel pourra jouer un homosexuel. Et pour les autres rôles, je dois créer une commission de contrôle. Parenthèse: dès que vous aurez fini d’être cons, je reviens à vous.»
Tout est dit ou suggéré: l’essentialisation des individus, le totalitarisme moral, la segmentation des identités, le ridicule. L’idéologie est ici poussée à une extrémité telle qu’elle permet à une comédienne de s’asseoir sur un contrat au nom de son idéal supérieur qu’elle n’aurait elle-même pas respecté. Aussi envisageai-je de renoncer à ma prochaine chronique, supputant un trouble émotionnel dévastateur devant la prise de conscience d’éventuellement trahir mon idéal amoral pourtant solide.
Alors nous n’irons plus voir jouer les wokes, faute de wokes sur les planches
J’ajoute que cette affaire du Théâtre du Loup me paraît de très bon augure. Comme il était à prévoir, les cultureux wokes commencent à s’autodétruire. Cette idéologie du héros victimaire s’effondre sous le coup de ses propres lois. À magnifier une couleur ou un sexe, on finit par condamner l’autre couleur ou sexe, qui peut être par aventure le sien propre, à la peine capitale. En l’occurrence, il s’agit de la condamnation au mutisme.
Merci, les «Inconditionnelles» de la bêtise, de vous taire. Puissiez-vous faire des émules. Alors nous n’irons plus voir jouer les wokes, faute de wokes sur les planches.
Et sinon, plein soutien à Brigitte Macron.