Genève

Après les «PPSDM», la situation à la Comédie choque acteurs culturels et politiques

23.10.2025 18h24 Martin Esposito, Delphine Palma

Management toxique, mépris en la scène locale et mauvaise gestion des fonds publics. C’est qui est reproché à la directrice de la Comédie de Genève, Séverine Chavrier. Après une vague de démission, deux enquêtes font état d’un climat délétère au sein de l’institution. Les réactions fusent.

Une artiste visionnaire, mais tyrannique. Les enquêtes de la Tribune de Genève et de la RTS lèvent le rideau sur le climat délétère qui régnerait à la Comédie de Genève sous la direction de Séverine Chavrier. Nommée à la tête du théâtre en juillet 2023, la Française est accusée de management toxique, de mépris envers la scène locale et d’une gestion jugée inéquitable des fonds publics. Elle aurait notamment utilisé à plusieurs reprises l’acronyme «PPSDM», pour «petites productions suisses de m****». 

«On n’est pas dans son radar, soupire José Lillo, metteur en scène genevois, outré par cette attitude. On ne l’a pas vu et aucune rencontre n’a été organisée pour qu’elle arbitre parmi les talents locaux.» En plus de ces reproches, la directrice est accusée de favoriser ses propres créations au détriment des productions suisses. 

«C’est une faute grave»

Sa pièce «Absalon, Absalon» aurait coûté 1,2 million de francs, 10% de la subvention accordée par la Ville de Genève. «J’aimerais bien la voir avec une chaise et un budget de 30'000 francs», réagit scandalisé José Lillo. En 2022 et 2023, Tigre – la faîtière des producteurs de théâtre indépendants- aurait demandé à la Fondation d’Art dramatique  le cahier des charges de la Comédie de Genève. Refusé. «On a demandé à Séverine Chavrier quelle part était allouée aux compagnies romandes. Cela ne nous a pas été communiqué, explique sa représentante Charlotte Filou. Ce que l’on exige aujourd’hui, c’est une transparence.»

C’est aussi ce que demandent Les Verts: «Il y a une part d’artistes locaux qu’on doit mettre en avant ; elle ne répond pas à cette charge-là, commente Omar Azzabi, ex-conseiller municipal. En plus du dédain qu’elle à montré pour les professionnels de la région, c’est une faute grave. 

Depuis le changement de direction, une quinzaine de personnes ont démissionné. La totalité de l’équipe de production et une partie de l’équipe de communication ont claqué la porte. Une situation qui interroge dans le milieu politique. «Ce n’est pas neutre, 20% de démission dans les six derniers mois, sursaute Yves Herren, membre de la commission des arts et de la culture en Ville. Quand la magistrate explique que c’est le tournus normal, on doute un peu et je pense que la commission interroge Joëlle Bertossa, Séverine Chavrier et la fondation.»

«Il faut revoir la direction de ce théâtre»

Contactée, la magistrate Joëlle Bertossa dit prendre la situation au sérieux tout en se méfiant des fausses accusations. Elle devrait s’entretenir dès la semaine prochaine avec la Fondation des arts dramatiques, en charge du théâtre.

Au MCG, si la question des frontaliers revient, ce sont les propos qui choquent. La démission de la directrice est demandée. «Ils sont absolument méprisants, cela demande des explications, des sanctions et peut-être qu’il faut revoir la direction de ce théâtre», glisse le conseiller municipal Daniel Sormanni.

Dans un communiqué, la Fondation d’arts dramatiques assure avoir eu un dialogue apaisé sur cette situation et note un décalage entre le climat de travail et les propos de l’article. Citée par la Tribune de Genève, Séverine Chavrier réfute les critiques et se défend d’avoir tenu des propos diffamants.